Illustrations: Sabine Deviche
Traduction: Dany Pierard-Deviche
Imagine le désert Sonoran. Pense à un paysage où les cactus poussent de façon éparse et où la terre brune du sol est visible car il n'y a pas de végétation partout. C'est un endroit inhospitalier pour la plupart des animaux et des plantes parce qu'il n'y a pas beaucoup d'eau, qu' il fait très chaud en été, et qu'en hiver les nuits sont très froides. Et pourtant, dans ce désert sec, juste sous la surface du sol, il y a des microbes en vie.
Il y a plusieurs sortes de microbes dans le sol du désert Sonoran. Le professeur de Microbiologie, Ferran Garcia-Pichel, et son équipe les étudient. Ils ont découvert que la plupart des microbes du désert ont un corps fin et allongé. Ils sont si fins qu'il en faudrait environ 15 pour faire une tresse de l'épaisseur d'un seul cheveu humain! Mais ils vivent en groupes en s'accrochant les uns aux autres et ils forment ainsi des filaments qu'on sait voir à l'œil nu quand ils sont vivants, humides et verts.
Après avoir tamisé le sol du désert à différents endroits, le professeur Garcia-Pichel a constaté que les microbes les plus abondants dans le désert Sonoran sont des cyanobactéries du genre Microcoleus. Quand le sol du désert est très sec en été, on trouve ces microbes sous la surface du sol, à quelques grains de sable de profondeur. Les microcoleus sont alors très desséchés car ne contiennent plus que 1 ou 2% d'eau. Ils ne sont pas morts, mais ils sont au repos, et attendent le retour de l'eau pour se remettre en action et se reproduire. "Les microcoleus sont experts à ne rien faire," explique le professeur Garcia-Pichel. "Mais ils ne meurent pas même s'ils sont fort desséchés. Ils sont simplement en phase de repos, en animation interrompue!"
Protection solaire dans la nature
Le professeur Garcia-Pichel étudie depuis plusieurs années les cyanobactéries du désert. Il veut tout savoir sur leur vie. Voilà pourquoi.
Il y a 30 ans, le professeur était en Basse-Californie, en route vers la station de recherche de la NASA, où il allait pour étudier comment les microorganismes forment des tapis dense dans l'océan. "Je roulais sur une route du désert et soudain j'ai vu des zones et taches brunes, presque noires, sur les rochers de granite," dit-il. "Je fus intrigué car toutes ces taches étaient uniquement du côté nord des rochers." Le professeur Garcia-Pichel arrêta sa voiture et alla récolter quelques morceaux de rochers couverts de taches brunes, pour les analyser.
Il découvrit que ces taches sont des zones où vivent des cyanobactéries, et qu'elles produisent de la scytonémine! C'est un pigment naturel qui leur sert de protection solaire et les protège desdangereux rayons ultra-violets (UV) émis par le soleil.
Après avoir fait sa découverte de la présence de scytonémine dans les cyanobactérie du désert de Californie, le professeur Garcia-Pichel alla consulter la littérature scientifique pour voir si d'autres scientifiques avaient déjà donné des informations sur de cette substance. Il lu que la scytonémine avait été découverte en 1849 par des scientifiques suisses, mais ne trouva pas beaucoup d'articles qui en parlaient ensuite. C'est pourquoi le professeur Garcia-Pichel décida d' étudier à fond les cyanobactéries du désert et leur scytonémine protectrice.
Astuces pour survivre dans le désert: protection solaire et périodes de repos
Pour survivre aux périodes de sécheresse dans le désert, il faut être astucieux comme un microbe! "Leur façon de survivre est se mettre en phase de repos quand il fait trop sec. Ensuite, quand les pluies reviennent apporter de l'eau, ils se remettent en action", dit Garcia-Pichel. Mais quand ils sont en repos, ils ne peuvent pas vite réparer les dégâts qui leur arrivent, comme par exemple éliminer des radicaux-libres, ou réparer des dégâts causés à leur ADN par les rayons UV du soleil. Le mieux est de bien se protéger des UV! Et c'est pourquoi les cyanobactéries du désert produisent beaucoup de scytonémine, leur protection solaire,...et qu'on voit des taches brunes sur les rochers du désert.
Tandis que ses sujets de recherche, les microbes du désert, sont en phase de repos, le professeur s'active dans son laboratoire pour les connaître à fond.
La façon de survivre durant des périodes de sécheresse et/ou de gel que les champignons et plantes ont est de faire des spores ou des graines. Celles-ci restent en vie, alors que les champignons entiers et les plantes entières meurent par manque d'eau ou à cause de gelées. Les spores et les graines savent survivre car elles restent en phase de repos (dormance) jusqu'à ce que les conditions pour leur germination soient bonnes. Quand elles sont réhydratées et qu'il fait assez chaud, elles se remettent en action et germent.
La solution de survie des microcoleus est différente, car elle ne se fait pas à l'aide de spores ou de graines. Ils se déshydratent fortement, et ils restent ainsi au repos quand le désert s'assèche durant les grandes chaleurs. Quand la pluie revient, l'eau humidifie les microcoleus, et ils sont rapidement bien réhydratés et de nouveau actifs à faire de la photosynthèse et se reproduire.
La plupart des choses vivantes , dont les êtres humains, sont constitués d'une grande quantité d'eau. Bien qu'on se sente solide, nos corps humains contiennent 80% d'eau; nous sommes donc des créatures fort humides! Mais la plupart des choses vivantes ne sauraient pas revivre si on les dessèche jusqu'à ce que leur teneur en eau ne soit que de 1 ou 2% et qu'on les réhydrate ensuite. Les microbes du désert eux peuvent être desséchés à 1 ou 2% d'eau et se remettre en action instantanément quand ils sont réhydratés. Ils recolonisent alors la surface du sol, qu'ils rendent verte. Les filaments qu'ils forment retiennent les particules de sables et de sol, et quand ils grandissent et se multiplient, ils deviennent des réseaux et forment des croûtes biologiques à la surface du sol du désert. Ces croûtes sont bonnes pour le désert, car elles empêchent que son sol soit emporté par le vent.
Le point faible des microbes les plus résistants
Comme les radiations nucléaires tuent, après les expériences d'explosions nucléaires dans les déserts du Nevada des années 1950, les scientifiques ont cherché des signes de vie à ces endroits. Ce sont des microcoleus qui furent trouvés en vie aux endroits les plus proches des sites d' explosions.
Mais malgré qu'ils résistent bien aux fortes chaleurs et aux gelées, les microcoleus ont un point faible car il y a une chose qui les tue: c'est compresser le sol où ils vivent. Le bétail qui vit dans le désert, les motos et véhicules tout terrain qui y circulent, les tracteurs, camions, et engins de culture ou de construction écrasent le sol du désert et compressent l'habitat des microcoleus,...et cela les tue rapidement.
Et hélas, il faut ensuite beaucoup de temps pour que le sol retrouve son aspect léger, décompressé, et qu'on y retrouve des microbes vivants. Aux USA, il y a beaucoup d'endroits où on ne trouve plus de microorganismes dans le sol! Par exemple, dans les réserves naturelles de l'Oregon, où le bétail est encore élevé en liberté, il est difficile de trouver des croûtes de sol intactes, et des microbes dedans. On n'en trouve que dans les endroits où l'accès du bétail est interdit, et aussi sous les buissons où les animaux ne savent pas aller.
Les Indiens natifs d'Amérique sont experts en protection de la vie dans le désert. Plutôt que de détruire le sol en marchant partout, ils ont toujours utilisé des chemins. C'est simple, et cela permet aux microbes du sol de rester en vie et de se multiplier. La croûte du sol reste ainsi intacte et bien maintenue par des filaments de microbes. Par contre quand le sol est compressé, les microbes meurent, la croûte du sol est détruite. Le sol du désert part au loin, emporté par le vent en gros nuages de sable et poussières qui se déposent sur les villes et les champs, et y créent des dégâts.
Le professeur Garcia-Pichel travaille hardiment à reconstruire la croûte de sol dans les endroits du désert où elle a été détruite. C'est pourquoi il fait beaucoup d'investigations dans le désert et étudie les microorganismes qui y habitent. Pour en savoir plus lis l'article Révéler l'invisible.
Cette section a été financée par la bourse NSF 020671.
Références:
Certaines images furent obtenues de Wikimedia.
Détails bibliographiques:
- Article: Investigation dans le désert Sonoran
- Auteur: Dr. Biology
- Éditeur: Arizona State University School of Life Sciences Ask A Biologist
- Nom du site: ASU - Ask A Biologist
- Date publiée: 31 May, 2017
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